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que la réalité ; je m’en tiens à ce qui est plus simple.

Je ne crois donc pas qu’après avoir pourvu de toute manière aux besoins de l’homme, Dieu accorde à l’un plutôt qu’à l’autre des secours extraordinaires, dont celui qui abuse des secours communs à tous est indigne et dont celui qui en use bien n’a pas besoin. Cette acception de personnes est injurieuse à la Justice divine. Quand cette dure et décourageante doctrine se déduirait de l’Ecriture elle-même, mon premier devoir n’est-il pas d’honorer Dieu ? Quelque respect que je doive au texte sacré, j’en dois plus encore à son Auteur et j’aimerais mieux croire la Bible falsifiée ou inintelligible que Dieu injuste ou malfaisant. Saint Paul ne veut pas que le vase dise au potier, pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Cela est fort bien, si le potier n’exige du vase que des services qu’il l’a mis en état de lui rendre ; mais, s’il s’en prenait au vase de n’être pas propre à un usage pour lequel il ne l’aurait pas fait, le vase aurait-il tort de le lui dire, pourquoi m’as-tu fait ainsi ?

S’ensuit-il de là que la prière soit inutile ? À Dieu ne plaise que je m’ôte cette ressource contre mes faiblesses. Tous les actes de l’entendement qui nous élèvent à Dieu, nous portent au-dessus de nous-mêmes ; en implorant son secours nous apprenons à le trouver. Ce n’est pas lui qui nous change, c’est nous qui changeons en nous élevant à lui [1].

  1. Notre galant Philosophe après avoir imité la conduite d’Abélard semble en vouloir prendre aussi la doctrine. Leurs sentiments sur la prière ont beaucoup de rapport. Bien des gens relevant cette hérésie, trouveront qu’il eût mieux valu persister dans l’égarement que de tom-