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Trouvez-y quelque réponse dont vous soyez content & je m’en contente ; osez compter sur vous & j’y compte. Dites-moi : Je suis un ange & je vous reçois à bras ouverts.

Quoi ! toujours des privations & des peines ! toujours des devoirs cruels à remplir ! toujours fuir les gens qui nous sont chers ! Non, mon aimable ami. Heureux qui peut des cette vie offrir un prix à la vertu ! J’en vois un digne d’un homme qui sut combattre & souffrir pour elle. Si je ne présume pas trop de moi, ce prix que j’ose vous destiner acquittera tout ce que mon cœur redoit au vôtre ; & vous aurez plus que vous n’eussiez obtenu si le Ciel eût béni nos premieres inclinations. Ne pouvant vous faire ange vous-même, je vous en veux donner un qui garde votre ame, qui l’épure, qui la ranime & sous les auspices duquel vous puissiez vivre avec nous dans la paix du séjour céleste. Vous n’aurez pas, je crois, beaucoup de peine à deviner qui je veux dire ; c’est l’objet qui se trouve à peu près établi d’avance dans le cœur qu’il doit remplir un jour, si mon projet réussit.

Je vois toutes les difficultés de ce projet sans en être rebutée, car il est honnête. Je connais tout l’empire que j’ai sur mon amie & ne crains point d’en abuser en l’exerçant en votre faveur. Mais ses résolutions vous sont connues ; & avant de les ébranler, je dois m’assurer de vos dispositions, afin qu’en l’exhortant de vous permettre d’aspirer à elle je puisse répondre de vous, & de vos sentimens ; car, si l’inégalité que le sort a mise entre l’un & l’autre vous ôte le droit de vous proposer vous-même, elle permet encore moins que ce droit vous soit accordé sans savoir quel usage vous en pourrez faire.