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où s’arrêtera dans la route du vice celle qui fait le premier pas sans effroi ? Voilà ce que je dirois à ces femmes du monde pour qui la morale & la religion ne sont rien & qui n’ont de loi que l’opinion d’autrui. Mais toi, femme vertueuse & chrétienne, toi qui vois ton devoir & qui l’aimes, toi qui connois & suis d’autres regles que les jugemens publics, ton premier honneur est celui que te rend ta conscience & c’est celui-là qu’il s’agit de conserver.

Veux-tu savoir quel est ton tort en toute cette affaire ? C’est, je te le redis, de rougir d’un sentiment honnête que tu n’as qu’à déclarer pour le rendre innocent [1] : Mais avec toute ton humeur folâtre rien n’est si timide que toi. Tu plaisantes pour faire la brave & je vois ton pauvre cœur tout tremblant ; tu fais avec l’amour, dont tu feins de rire, comme ces enfans qui chantent la nuit quand ils ont peur. Ô chére amie ! souviens-toi de l’avoir dit mille fois, c’est la fausse honte qui mene à la véritable & la vertu ne sait rougir que de ce qui est mal. L’amour en lui-même est-il un crime ? N’est-il pas le plus pur ainsi que le plus doux penchant de la nature ? N’a-t-il pas une fin bonne & louable ? Ne dédaigne-t-il pas les ames basses & rampantes ? N’anime-t-il pas les ame s grandes & fortes ? N’anoblit-il pas tous leurs sentiments ? Ne double-t-il

  1. Pourquoi l’Editeur laisse-t-il les continuelles répétitions dont cette lettre est pleine, ainsi que beaucoup d’autres ? Par une raison fort simple ; c’est qu’il ne se soucie point du tout que ces lettres plaisent à ceux qui feront cette question.