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notre réunion ne m’abuse pas ! Chaque jour la prépare, en ramenant ici quelqu’une de ces ame s privilégiées qui sont si cheres l’une à l’autre, qui sont si dignes de s’aimer & qui semblent n’attendre que vous pour se passer du reste de l’univers. En apprenant quel heureux hazard a fait passer ici la partie adverse du baron d’Etange vous avez prévu tout ce qui devoit arriver de cette rencontre & ce qui est arrivé réellement [1]. Ce vieux plaideur, quoique inflexible & entier presque autant que son adversaire, n’a pu résister à l’ascendant qui nous a tous subjugués. Après avoir vu Julie, après l’avoir entendue, après avoir conversé avec elle, il a eu honte de plaider contre son pere. Il est parti pour Berne si bien disposé & l’accommodement est actuellement en si bon train, que sur la derniere lettre du baron nous l’attendons de retour dans peu de jours.

Voilà ce que vous aurez déjà sçu par M. de Wolmar ; mais ce que probablement vous ne savez point encore, c’est que Mde. d’Orbe, ayant enfin terminé ses affaires, est ici depuis jeudi & n’aura plus d’autre demeure que celle de son amie. Comme j’étois prévenu du jour de son arrivée, j’allai au-devant d’elle à l’insu de Mde. de Wolmar qu’elle vouloit surprendre & l’ayant rencontrée au deçà de Lutri, je revins sur mes pas avec elle.

Je la trouvai plus vive & plus charmante que jamais, mais

  1. On voit qu’il manque ici plusieurs lettres intermédiaires, ainsi qu’en beaucoup d’autre endroits. Le lecteur dira qu’on se tire sort commodément d’affaire avec de pareilles omissions & je suis tout-à-fait de son avis.