Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t3.djvu/282

Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est à peu pres ainsi que je tâcherai d’exciter son zele & sa volonté pour acquérir les connoissances qui demandent de la suite & de l’application & qui peuvent convenir à son âge ; mais quoiqu’il apprenne à lire, ce n’est point des livres qu’il tirera ces connoissances ; car elles ne s’y trouvent point & la lecture ne convient en aucune maniere aux enfans. Je veux aussi l’habituer de bonne heure à nourrir sa tête d’idées & non de mots : c’est pourquoi je ne lui fais jamais rien apprendre par cœur.

Jamais ! interrompis-je : c’est beaucoup dire ; car encore faut-il bien qu’il sache son catéchisme & ses prieres. - C’est ce qui vous trompe, reprit-elle. À l’égard de la priere, tous les matins & tous les soirs je fais la mienne à haute voix dans la chambre de mes enfans & c’est assez pour qu’ils l’apprennent sans qu’on les y oblige : quant au catéchisme, ils ne savent ce que c’est. - Quoi ! Julie, vos enfans n’apprennent pas leur catéchisme ? - Non, mon ami, mes enfans n’apprennent pas leur catéchisme. - Comment ? ai-je dit tout étonné, une mere si pieuse !… Je ne vous comprends point. & pourquoi vos enfans n’apprennent-ils pas leur catéchisme ? - Afin qu’ils le croient un jour, dit-elle : j’en veux faire un jour des chrétiens. - Ah ! j’y suis, m’écriai-je ; vous ne voulez pas que leur foi ne soit qu’en paroles, ni qu’ils sachent seulement leur religion, mais qu’ils la croient ; & vous pensez avec raison qu’il est impossible à l’homme de croire ce qu’il n’entend point. - Vous êtes bien difficile, me dit en souriant M. de Wolmar : seriez-vous chrétien, par hazard ? - Je m’efforce de l’être, lui dis-je avec fermeté.