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enfans & réciproquement il rend aux enfans quelque don simple & de leur goût dont elle l’a secretement chargé pour eux. Ainsi se forme de bonne heure l’étroite & douce bienveillance qui fait la liaison des états divers. Les enfans s’accoutument à honorer la vieillesse, à estimer la simplicité & à distinguer le mérite dans tous les rangs. Les paysans, voyant leurs vieux peres fêtés dans une maison respectable & admis à la table des maîtres ne se tiennent point offensés d’en être exclus ; ils ne s’en prennent point à leur rang, mais à leur âge ; ils ne disent point : Nous sommes trop pauvres, mais : Nous sommes trop jeunes pour être ainsi traités ; l’honneur qu’on rend à leurs vieillards & l’espoir de le partager un jour les consolent d’en être privés & les excitent à s’en rendre dignes.

Cependant le vieux bonhomme, encore attendri des caresses qu’il a reçues, revient dans sa chaumiere, empressé de montrer à sa femme & à ses enfans les dons qu’il leur apporte. Ces bagatelles répandent la joie dans toute une famille qui voit qu’on a daigné s’occuper d’elle. Il leur raconte avec emphase la réception qu’on lui a faite, les mets dont on l’a servi, les vins dont il a goûté, les discours obligeans qu’on lui a tenus, combien on s’est informé d’eux, l’affabilité des maîtres, l’attention des serviteurs & généralement ce qui peut donner du prix aux marques d’estime & de bonté qu’il a reçues ; en le racontant il en jouit une seconde fois & toute la maison croit jouir aussi des honneurs rendus à son chef. Tous bénissent de concert cette famille illustre & généreuse qui donne exemple aux grands & refuge aux petits, qui ne