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fond d’un bois on est charmé quelquefois de voir un fruit sauvage & même de s’en rafraîchir, vous comprendrez le plaisir qu’on a de trouver dans ce désert artificiel des fruits excellents & mûrs, quoique clairsemés & de mauvaise mine ; ce qui donne encore le plaisir de la recherche & du choix.

Toutes ces petites routes étoient bordées & traversées d’une eau limpide & claire, tantôt circulant parmi l’herbe & les fleurs en filets presque imperceptibles, tantôt en plus grands ruisseaux courant sur un gravier pur, & marqueté qui rendoit l’eau plus brillante. On voyoit des sources bouillonner & sortir de la terre & quelquefois des canaux plus profonds dans lesquels l’eau calme & paisible réfléchissoit à l’œil les objets. Je comprends à présent tout le reste, dis-je à Julie ; mais ces eaux que je vois de toutes parts… Elles viennent de là, reprit-elle en me montrant le côté où étoit la terrasse de son jardin. C’est ce même ruisseau qui fournit à grands frais dans le parterre un jet d’eau dont personne ne se soucie. M. de Wolmar ne veut pas le détruire, par respect pour mon pere qui l’a fait faire ; mais avec quel plaisir nous venons tous les jours voir courir dans ce verger cette eau dont nous n’approchons guere au jardin ! Le jet d’eau joue pour les étrangers, le ruisseau coule ici pour nous. Il est vrai que j’y ai réuni l’eau de la fontaine publique, qui se rendoit dans le lac par le grand chemin, qu’elle dégradoit au préjudice des passants & à pure perte pour tout le monde. Elle faisoit un coude au pied du verger entre deux rangs de saules ; je les ai renfermés dans mon enceinte & j’y conduis la même eau par d’autres routes.