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plus long-tems chez vous. C’est ici le même verger où vous vous êtes promené autrefois & où vous vous battiez avec ma cousine à coups de pêches. Vous savez que l’herbe y étoit assez aride, les arbres assez clairsemés, donnant assez peu d’ombre & qu’il n’y avoit point d’eau. Le voilà maintenant frais, vert, habillé, paré, fleuri, arrosé. Que pensez-vous qu’il m’en a coûté pour le mettre dans l’état où il est ? Car il est bon de vous dire que j’en suis la surintendante & que mon mari m’en laisse l’entiere disposition. Ma foi, lu dis-je, il ne vous en a coûté que de la négligence. Ce lieu est charmant, il est vrai, mais agreste & abandonné ; je n’y vois point de travail humain. Vous avez fermé la porte ; l’eau est venue je ne sais comment ; la nature seule a fait tout le reste ; & vous-même n’eussiez jamais su faire aussi bien qu’elle.Il est vrai, dit-elle, que la nature a tout fait, mais sous ma direction & il n’y a rien là que je n’aie ordonné. Encore un coup, devinez.Premierement, repris-je, je ne comprends point comment avec de la peine & de l’argent on a pu suppléer au tems. Les arbres…Quant à cela, dit M. de Wolmar, vous remarquerez qu’il n’y en a pas beaucoup de fort grands & ceux-là y étoient déjà. De plus, Julie a commencé ceci long-tems avant son mariage & presque d’abord après la mort de sa mere, qu’elle vint avec son pere chercher ici la solitude.Eh bien ! dis-je, puisque vous voulez que tous ces massifs, ces grands berceaux, ces touffes pendantes, ces bosquets si bien ombragés, soient venus en sept ou huit ans & que l’art s’en soit mêlé, j’estime que, si dans une enceinte aussi vaste vous avez fait tout cela pour deux mille écus, vous avez bien