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III. BILLET DE JULIE. Insensé ! si mes jours te sont chers, crains d’attenter aux tiens. Je suis obsédée, & ne puis ni vous parler ni vous écrire jusqu’à demain. Attendez.

LETTRE IV. DE JULIE.

Il faut donc l’avouer enfin, ce fatal secret trop mal déguisé !Combien de fois j’ai juré qu’il ne sortiroit de mon cœur qu’avec la vie ! La tienne en danger me l’arrache ; il m’échappe, & l’honneur est perdu. Hélas ! j’ai trop tenu parole : est-il une mort plus cruelle que de survivre à l’honneur ?

Que dire, comment rompre un si pénible silence ? Ou plutôt n’ai-je pas déjà tout dit, & ne m’as-tu pas trop entendue ? Ah ! tu en as trop vu pour ne pas deviner le reste ! Entraînée par degrés dans les pieges d’un vil séducteur, je vois, sans pouvoir m’arrêter, l’horrible précipice où je cours. Homme artificieux ! c’est bien plus mon amour que le tien qui fait ton audace. Tu vois l’égarement de mon cœur, tu t’en prévaux pour me perdre, & quand tu me rends méprisable, le pire de mes maux est d’être forcée à