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ami, adieu pour toujours ; ainsi l’ordonne l’inflexible devoir. Mais croyez que le cœur de Julie ne sait point oublier ce qui lui fut cher…Mon Dieu ! que fais-je ?… Vous le verrez trop à l’état de ce papier. Ah ! n’est-il pas permis de s’attendrir en disant à son a mile dernier adieu ?

LETTRE XXI. DE L’AMANT DE JULIE À MILORD EDOUARD.

Oui, milord, il est vrai, mon ame est oppressée du poids de la vie. Depuis long-tems elle m’est à charge : j’ai perdu tout ce qui pouvoit me la rendre chére, il ne m’en reste que les ennuis. Maison dit qu’il ne m’est pas permis d’en disposer sans l’ordre de celui qui me l’a donnée. Je sais aussi qu’elle vous appartient à plus d’un titre. Vos soins me l’ont sauvée deux fois, & vos bienfaits me la conservent sans cesse. Je n’en disposerai jamais que je ne sois sûr de le pouvoir faire sans crime, ni tant qu’il me restera la moindre espérance de la pouvoir employer pour vous.

Vous disiez que je vous étois nécessaire : pourquoi me trompiez-vous ? Depuis que nous sommes à Londres, loin que vous songiez à m’occuper de vous, vous ne vous occupez que de moi. Que vous prenez de soins superflus ! Milord, vous le savez, je hais le crime encore plus que la vie ; j’adore l’Etre éternel. Je vous dois tout, je vous aime, Je ne tiens qu’à vous sur la terre : l’amitié, le devoir, y peuvent enchaîner