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quelques jours ; l’entretien de ce matin m’a prodigieusement agitée…La tête, & le cœur me font mal… je me sens défaillir… le Ciel auroit-il pitié de mes peines ?… Je ne puis me soutenir… je suis forcée à me mettre au lit, & me console dans l’espoir de n’en point relever. Adieu, mes uniques amours. Adieu, pour la derniere fois, cher, & tendre ami de Julie. Ah ! si je ne dois plus vivre pour toi, n’ai-je pas déjà cessé de vivre ?

LETTRE XIII. DE JULIE À MDE. D’ORBE.

Il est donc vrai, chére, & cruelle amie, que tu me rappelles à la vie, & à mes douleurs ? J’ai vu l’instant heureux où j’alloix rejoindre la plus tendre des meres ; tes soins inhumains m’ont enchaînée pour la pleurer plus longtemps ; & quand le désir de la suivre m’arrache à la terre, le regret de te quitter m’y retient. Si je me console de vivre, c’est par l’espoir de n’avoir pas échappé tout entiere à la mort. Ils ne sont plus ces agrémens de mon visage que mon cœur a payés si cher ; la maladie dont je sors m’en a délivrée. Cette heureuse perte ralentira l’ardeur grossiere d’un homme assez dépourvu de délicatesse pour m’oser épouser sans mon aveu. Ne trouvant plus en moi ce qui lui plut, il se souciera peu du reste. Sans manquer de parole à mon pere, sans offenser l’ami dont il tient la vie, je saurai rebuter cet importun : ma bouche