Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/408

Cette page n’a pas encore été corrigée

trop en sûreté contre les insultes de la populace. Ces insultes sont le cri de la pudeur révoltée ; & dans cette occasion, comme en beaucoup d’autres, la brutalité du peuple, plus honnête que la bienséance des gens polis, retient peut-être ici cent mille femmes dans les bornes de la modestie : c’est précisément ce qu’ont prétendu les adroites inventrices de ces modes.

Quant au maintien soldatesque & au ton grenadier, il frappe moins, attendu qu’il est plus universel & il n’est guere sensible qu’aux nouveaux débarqués. Depuis le faubourg Saint-Germain jusqu’aux halles, il y a peu de femmes à Paris dont l’abord, le regard, ne soit d’une hardiesse à déconcerter quiconque n’a rien vu de semblable en son pays ; & de la surprise où jettent ces nouvelles manieres naît cet air gauche qu’on reproche aux étrangers. C’est encore pis sitôt qu’elles ouvrent la bouche. Ce n’est point la voix douce & mignarde de nos Vaudoises ; c’est un certain accent dur, aigre, interrogatif, impérieux, moqueur & plus fort que celui d’un homme. S’il reste dans leur ton quelque grace de leur sexe, leur maniere intrépide & curieuse de fixer les gens acheve de l’éclipser. Il semble qu’elles se plaisent à jouir de l’embarras qu’elles donnent à ceux qui les voyent pour la premiere fois ; mais il est à croire que cet embarras leur plairoit moins si elles en démêloient mieux la cause.

Cependant, soit prévention de ma part en faveur de la beauté, soit instinct de la sienne à se faire valoir, les belles femmes me paroissent en général un peu plus modestes,