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vous proposer pour cela l’unique moyen qui vous reste ; profitez-en tandis qu’il est tems encore ; rendez à l’innocence & à la vertu cette sublime raison dont le Ciel vous fit dépositaire, ou craignez d’avilir à jamais le plus précieux de ses dons.

J’ai dans le duché d’York une terre assez considérable, qui fut long-tems le séjour de mes ancêtres. Le château est ancien, mais bon & commode ; les environs sont solitaires, mais agréables & variés. La riviere d’Ouse, qui passe au bout du parc, offre à la fois une perspective charmante à la vue & un débouché facile aux denrées. Le produit de la terre suffit pour l’honnête entretien du maître & peut doubler sous ses yeux. L’odieux préjugé n’a point d’acces dans cette heureuse contrée ; l’habitant paisible y conserve encore les mœurs simples des premiers tems, & l’on y trouve une image du Valais décrit avec des traits si touchans par la plume de votre ami ! Cette terre est à vous, Julie, si vous daignez l’habiter avec lui ; c’est là que vous pourrez accomplir ensemble tous les tendres souhaits par où finit la lettre dont je parle.

Venez, modele unique des vrais amants, venez, couple aimable & fidele, prendre possession d’un lieu fait pour servir d’asile à’amour & à l’innocence ; venez y serrer, à la face du Ciel & des hommes, le doux nœud qui vous unit ; venez honorer de l’exemple de vos vertus un pays où elles seront adorées, & des gens simples portés à les imiter. Puissiez-vous en ce lieu tranquille goûter à jamais dans les sentimens qui vous unissent le bonheur des âmes pures ! puisse le Ciel y bénir vos chastes feux d’une famille qui vous ressemble ;