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se dire d’avance que ceux qui les écrivent ne sont pas des françois, des beaux-esprits, des académiciens, des philosophes, mais des provinciaux, des étrangers, des solitaires, de jeunes gens, presque des enfans, qui dans leurs imaginations romanesques prennent pour de la philosophie les honnêtes délires de leur cerveau.

Pourquoi craindrois-je de dire ce que je pense ? Ce Recueil avec son gothique ton convient mieux aux femmes que les livres de philosophie. Il peut même être utile à celles qui, dans une vie déréglée, ont conservé quelque amour pour l’honnêteté. Quant aux filles, c’est autre chose. Jamais fille chaste n’a lu de Romans ; & j’ai mis à celui-ci un titre assez décidé, pour qu’en l’ouvrant on sçût à quoi s’en tenir. Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page, est une fille perdue : mais qu’elle n’impute point sa perte à ce Livre ; le mal étoit fait d’avance. Puisqu’elle a commencé, qu’elle acheve de lire : elle n’a plus rien à risquer.

Qu’un homme austere en parcourant ce Recueil se rebute aux premieres parties, jette le Livre