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je l’avoue, me donna des soupçons sur Mde. de Luxembourg. C’étoit la Roche son valet-de-chambre qui m’avoit expédié ces papiers, & je n’imaginai qu’elle au monde qui pût prendre intérêt à ce chiffon ; mais quel intérêt pouvait-elle prendre à l’autre & aux lettres enlevées dont, même avec de mauvais desseins, on ne pouvoit faire aucun usage qui pût me nuire, à moins de les falsifier ? Pour M. le Maréchal dont je connoissois la droiture invariable & la vérité de son amitié pour moi, je ne pus le soupçonner un moment. Je ne pus même arrêter ce soupçon sur Mde. la Maréchale.

Tout ce qui me vint de plus raisonnable à l’esprit, après m’être fatigué long-temps à chercher l’auteur de ce vol, fut de l’imputer à d’A

[lember] t, qui déjà faufilé chez Mde. de Luxembourg, avoit pu trouver le moyen de fureter ces papiers & d’en enlever ce qu’il lui avoit plu, tant en manuscrits qu’en lettres ; soit pour chercher à me susciter quelque tracasserie, soit pour s’approprier ce qui lui pouvoit convenir. Je supposai qu’abusé par le titre de la Morale sensitive, il avoit cru trouver le plan d’un vrai traité de matérialisme, dont il auroit tiré contre moi le parti qu’on peut bien s’imaginer. Sûr qu’il seroit bientôt détrompé par l’examen du brouillon, & déterminé à quitter tout-à-fait la littérature, je m’inquiétai peu de ces larcins, qui n’étoient pas les premiers de la même main*

[* J’avois trouvé dans ses Elémens de musique beaucoup de choses tirées de ce que j’avois écrit sur cet art pour l’Encyclopédie, & qui lui fut remis plusieurs années avant la publication de ses élémens. J’ignore la part qu’il à pu avoir a un livre intitulé : Dictionnaire des Beaux-Arts ; mais j’y trouvé des articles transcrits des miens, mot à mot, & cela long-temps avant que ces articles fussent imprimés dans l’Encyclopédie.] que j’avois endurés sans me