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LES

CONFESSIONS

DE

J. J. ROUSSEAU.



LIVRE DOUZIÈME.


Ici commence l’œuvre de ténèbres dans lequel, depuis huit ans, je me trouve enseveli, sans que de quelque façon que je m’y sois pu prendre, il m’ait été possible d’en percer l’effrayante obscurité. Dans l’abîme de maux où je suis submergé, je sens les atteintes des coups qui me sont portés, j’en apperçois l’instrument immédiat, mais je ne puis voir ni la main qui le dirige, ni les moyens qu’elle met en œuvre. L’opprobre & les malheurs tombent sur moi comme d’eux-mêmes & sans qu’il y paroisse. Quand mon cœur déchiré laisse échapper des gémissemens, j’ai l’air d’un homme qui se plaint sans sujet, & les auteurs de ma ruine ont trouvé l’art inconcevable de rendre le public complice de leur complot, sans qu’il s’en doute lui-même, & sans qu’il en apperçoive l’effet. En narrant donc les événemens qui me regardent, les traitemens que j’ai soufferts, & tout ce qui m’est arrivé, je suis hors d’état de remonter à la main motrice,