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croyez pas que j’ignore vos liaisons ; ma confiance n’est pas celle d’un sot, mais celle au contraire de quelqu’un qui se connoît en hommes, en diversité d’étoffes d’unes, qui n’attend rien des C** *, qui attend tout des Moultou. Je ne puis douter qu’on n’ait voulu vous séduire ; je suis persuadé qu’on n’a fait tout au plus que vous tromper. Mais avec votre pénétration, vous avez vu trop de choses, & vous en verrez trop encore, pour pouvoir être trompé long-temps. Quand vous verrez la vérité, il ne sera pas pour cela temps de la dire ; il faut attendre lés révolutions qui lui seront favorables, & qui viendront tôt ou tard. C’est alors que le nom de mon ami, dont il faut maintenant se cacher, honorera ceux qui l’auront porté, & qui rempliront les devoirs qu’il leur impose. Voilà ta, tâche, ô Moultou ! elle est grande, elle est belle, elle est digne de toi, & depuis bien des années, mon cœur t’a choisi pour la remplir.

Voici peut-être la dernière fois que je vous écrirai. Vous devez comprendre combien il me seroit intéressant de vous voir : mais ne parlons plus de Chambéri ; ce n’est pas là où je suis appelé. L’honneur & le devoir crient ; je n’entends plus que leur voix. Adieu, recevez l’embrassement que mon cœur vous envoie. Toutes mes lettres sont ouvertes ; ce n’est pas là ce qui me fâche ; mais plusieurs ne parviennent pas. Faites ensorte que je sache si celle-ci aura été plis heureuse. Vous n’ignorerez pas où je serai ; mais je dois vous prévenir qu’après avoir été ouvertes à la poste, mes lettres le seront encore dans la maison où je vais loger. Adieu derechef. Nous vous embrassons l’un & l’autre avec toute la tendresse de notre cœur. Nos hommages & respects les plus tendres à Madame.