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point un crime, & qu’on sera jugé sur ce qu’on aura fait, & non sur ce qu’on aura cru. Mais prenez garde, je vous conjure, d’être bien de bonne-foi avec vous-même ; car il est très-différent de n’avoir pas cru, ou de n’avoir pas voulu croire, & je puis concevoir comment celui qui n’a jamais cru, ne croira jamais ; mais non comment celui qui a cru, peut celer de croire. Encore un coup, ce que je vous demande n’est pas tant la foi que la bonne-foi. Voulez- vous rejeter l’intelligence universelle ? Les causes finales vous crêvent les yeux. Voulez-vous étouffer l’instinct moral ? La voix interne s’élève dans votre cœur, y foudroye les petits argumens à la mode, & vous crie qu’il n’est pas vrai que l’honnête homme & le scélérat, le vice & la vertu ne soient rien. Car vous êtes trop bon raisonneur pour ne pas voir à l’instant, qu’en rejetant la cause première & le mouvement, on ôte toute moralité de la vie humaine. Eh ! quoi, mon Dieu, le juste infortuné en proie à tous les maux de cette vie, sans en excepter même l’opprobre & le déshonneur, n’auroit nul dédommagement à attendre après elle, & mourroit en bête après avoir vécu en Dieu ? Non, non, Moultou ; Jésus que ce siècle a méconnu, parce qu’il est indigne de le connoître, Jésus qui mourut pour avoir voulu faire un peuple illustre & vertueux de ses vils compatriotes, le sublime Jésus ne mourut point tout entier sur la croix ; & moi qui ne suis qu’un chétif homme plein de foiblesses, mais qui me sens un cœur dont un sentiment coupable n’approcha jamais, c’en est assez pour, qu’en sentant approcher la dissolution de mon corps, je sente en même - temps la certitude de vivre. La