Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/30

Cette page n’a pas encore été corrigée

livre, ou être plus clair. J’ai cru l’être, ajoutai-je, je l’estimois assez pour cela.

Il alloit reprendre la parole ; je le vis prêt à s’ouvrir ; il se retint, & se tut. Malheureuse politique de courtisan, qui dans les meilleurs cœurs domine l’amitié même !

Cette conversation, quoique courte, m’éclaira sur ma situation, du moins à certain égard, & me fit comprendre que c’étoit bien à moi qu’on en vouloit. Je déplorai cette inouie fatalité qui tournoit à mon préjudice tout ce que je disois & faisois de bien. Cependant me sentant pour plastron dans cette affaire Mde. de Luxembourg & M. de M........s, je ne voyois pas comment on pouvoit s’y prendre pour les écarter & venir jusqu’à moi : car d’ailleurs je sentis bien Dès-lors qu’il ne seroit plus question d’équité ni de justice, & qu’on ne s’embarrasseroit pas d’examiner si j’avois réellement tort ou non. L’orage cependant grondoit de plus en plus. Il n’y avoit pas jusqu’à Néaulme qui, dans la diffusion de son bavardage, ne me montrât du regret de s’être mêlé de cet ouvrage, & la certitude où il paroissoit être du sort qui menaçoit le livre & l’auteur. Une chose pourtant me rassuroit toujours : je voyois Mde. de Luxembourg si tranquille, si contente, si riante même, qu’il falloit bien qu’elle fût sûre de son fait, pour n’avoir pas la moindre inquiétude à mon sujet, pour ne pas me dire un seul mot de commisération ni d’excuse, pour voir le tour que prendroit cette affaire, avec autant de sang-froid que si elle ne s’en fût pas mêlée, & qu’elle n’eût pas pris à moi le moindre intérêt. Ce qui me surprenoit étoit qu’elle