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LETTRE À Mr. DE L U Z E.

À Wootton le 16 Mai 1766.

Quoique ma longue lettre à Mde. De Luze soit, Monsieur, à votre intention comme à la sienne, je ne puis m’empêcher d’y joindre un mot pour vous remercier & des soins que vous avez bien voulu prendre pour réparer la banque-route que j’avois faite à Strasbourg sans en rien savoir, & de votre obligeante lettre du 10 Avril. J’ai senti à l’extrême plaisir que m’a fait sa lecture combien je vous suis attaché & combien tous vos bons procédés pour moi ont jeté de ressentiment dans mon ame. Comptez, Monsieur, que je vous aimerai toute ma vie & qu’un des regrets qui me suivent en Angleterre est d’y vivre éloigné de vous. J’ai formé dans votre pays des attachemens qui me le rendront toujours cher, & le désir de m’y revoir un jour, que vous voulez bien me témoigner, n’est pas moins dans mon cœur que dans le vôtre ; mais comment espérer qu’il s’accomplisse ? Si j’avois fait quelque faute qui m’eut attiré la haine de vos compatriotes, si je m’étois mal conduit en quelque chose, si j’avois quelque tort à me reprocher, j’espérerois en le réparant parvenir à le leur faire oublier & à obtenir leur bienveillance : mais qu’ai - je fait pour la perdre, en quoi me suis-je mal conduit, à qui ai - je manqué dans la moindre chose, à qui ai - je pu rendre service que je ne l’aye pas