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M. de M........s, témoin & confident de mes agitations, se donna, pour les calmer, des soins qui prouvent son inépuisable bonté de cœur. Mde. de Luxembourg concourut à cette bonne œuvre, & fut plusieurs fois chez Duchesne, pour savoir à quoi en étoit cette édition. Enfin, l’impression fut reprise & marcha plus rondement, sans que jamais j’aye pu savoir pourquoi elle avoit été suspendue. M. de M........s prit la peine de venir à Montmorency pour me tranquilliser : il en vint à bout ; & ma parfaite confiance en sa droiture, l’ayant emporté sur l’égarement de ma pauvre tête, rendit efficace tout ce qu’il fit pour m’en ramener. Après ce qu’il avoit vu de mes angoisses & de mon délire, il étoit naturel qu’il me trouvât très à plaindre ; aussi fit-il. Les propos incessamment rebattus de la cabale philosophique qui l’entouroit lui revinrent à l’esprit. Quand j’allai vivre à l’Hermitage, ils publièrent, comme je l’ai déjà dit, que je n’y tiendrois pas longtemps. Quand ils virent que je persévérais, ils dirent que c’étoit par obstination, par orgueil, par honte de m’en dédire ; mais que je m’y ennuyois à périr, & que j’y vivois très malheureux. M. de M........s le crut & me l’écrivit. Sensible à cette erreur, dans un homme pour qui j’avois tant d’estime, je lui écrivis quatre lettres consécutives, où, lui exposant les vrais motifs de ma conduite, je lui décrivis fidèlement mes goûts, mes penchants, mon caractère, & tout ce qui se passoit dans mon cœur. Ces quatre lettres, faites sans brouillon, rapidement, à trait de plume, & sans même avoir été relues, sont peut-être la seule chose que j’aye écrite avec facilité dans toute ma vie ;