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Il est temps d’en venir à ma catastrophe de Motiers, & à mon départ du Val-de-Travers, après deux ans & demi de séjour, & huit mais d’une constance inébranlable à souffrir les plus indignes traitemens. Il m’est impossible de me rappeller nettement les détails de cette désagréable époque. Mais on les trouvera dans la relation qu’en publia D. P

[eyro] u, & dont j’aurai à parler dans la suite.

Depuis le départ de Mde. de V

[erdeli] n la fermentation devenoit plus vive, & malgré les rescrits réitérés du roi, malgré les ordres fréquens du Conseil d’Etat, malgré les soins du Châtelain & des magistrats du lieu, le peuple me regardant tout de bon comme l’Antechrist, & voyant toutes ses clameurs inutiles, parut enfin vouloir en venir aux voies de fait ; déjà dans les chemins les cailloux commençoient à rouler auprès de moi, lancés cependant encore d’un peu trop loin pour pouvoir m’atteindre. Enfin la nuit de la foire de Motiers, qui est au commencement de Septembre, je fus attaqué dans ma demeure, de manière à mettre en danger la vie de ceux qui l’habitoient.

À minuit j’entendis un grand bruit dans la galerie qui régnoit sur le derrière de la maison. Une grêle de cailloux lancés contre la fenêtre & la porte qui donnoit sur cette galerie y tombèrent avec tant de fracas, que mon chien qui couchoit dans la galerie & qui avoit commencé par aboyer, se tut de frayeur, & se sauva dans un coin, rongeant & grattant les planches pour tâcher de fuir. Je me lève au bruit, j’allois sortir de ma chambre pour passer dans la cuisine, quand un caillou lancé d’une main vigoureuse