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qu’il me prouvât rien, je pris le parti d’écrire, dans un mémoire assez ample les raisons de ma persuasion, & de les soumettre au jugement d’un arbitre que V

[ernes] ne pût récuser. On ne devineroit pas quel fut cet arbitre que je choisis : le conseil de Genève. Je déclarai à la fin du Mémoire que si, après l’avoir examiné, & fait les perquisitions qu’il jugeroit nécessaires, & qu’il étoit bien à portée de faire avec succès, le Conseil prononçoit que M. V

[ernes] n’étoit pas l’auteur du memoire, dès l’instant je cesserois sincèrement de croire qu’il l’est, je partirois pour m’aller jeter à ses pieds, & lui demander pardon jusqu’à ce que je l’eusse obtenu. J’ose le dire, jamais mon zèle ardent pour l’équité, jamais la droiture, la générosité de mon âme, jamais ma confiance dans cet amour de la justice, inné dans tous les cœurs, ne se montrèrent plus pleinement, plus sensiblement, que dans ce sage, & touchant mémoire, où je prenois sans hésiter mes plus implacables ennemis pour arbitres entre mon calomniateur, & moi. Je lus cet écrit à Du P

[eyrou]

il fut d’avis de le supprimer, & je le supprimai. Il me conseilla d’attendre les preuves que V

[ernes] promettoit. Je les attendis, & je les attends encore ; il me conseilla de me taire en attendant, je me tus, & me tairai le reste de ma vie, blâmé d’avoir chargé V

[ernes] d’une imputation grave, fausse, & sans preuve, quoique je reste intérieurement persuadé, convaincu, comme de ma propre existence, qu’il est l’auteur du libelle. Mon mémoire est entre les mains de M. D. P

[eyrou] . Si jamais il voit le jour, on y trouvera mes raisons, & l’on y connaîtra, je l’espère, l’âme de Jean-Jacques, que mes contemporains ont si peu voulu connaître.