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les honneurs de l’Angleterre, car c’est ainsi qu’elle s’exprimoit. Elle me pressa beaucoup de profiter de ce zèle & d’écrire à M. Hume. Comme je n’avois pas naturellement de penchant pour l’Angleterre, & que je ne voulois prendre ce parti qu’à l’extrémité, je refusai d’écrire, & de promettre ; mais je la laissai la maîtresse de faire tout ce qu’elle jugeroit à propos pour maintenir Hume dans ses bonnes dispositions. En quittant Motiers, elle me laissa persuadé, par tout ce qu’elle m’avoit dit de cet homme illustre, qu’il étoit de mes amis, & qu’elle étoit encore plus de ses amies.

Après son départ, Montmollin poussa ses manœuvres, & la populace ne connut plus de frein. Je continuai cependant à me promener tranquillement au milieu des huées ; & le goût de la botanique, que j’avois commencé de prendre auprès du docteur d’Ivernois, donnant un nouvel intérêt à mes promenades, me faisoit parcourir le pays en herborisant, sans m’émouvoir des clameurs de toute cette canaille, dont ce sang-froid ne faisoit qu’irriter la fureur. Une des choses qui m’affectèrent le plus, fut de voir les familles de mes amis, *

[*Cette fatalité avoit commencé dès mon séjour à Yverdon ; car le banneret R

[ogui] n n’étant mort un an ou deux après mon départ de cette ville, le vieux papa R

[ogui] n eut la bonne-foi de me manquer, avec douleur, qu’on avoit trouvé dans les papiers de son parent, des preuves qu’il étoit entré dans le complot pour m’expulser d’Yverdon, & de l’état de Berne. Cela prouvoit bien clairement que ce complot n’étoit pas, comme on vouloit le faire croire, un affaire de cagotisme, puisque le baneret R

[oguin] n loin d’être un dévot, poussoit le matérialisme, & l’incrédulité jusqu’à l’intolérance, & au fanatisme. Au reste personne à Yverdon ne s’étoit si fort emparé de moi, ne m’avoit tant prodigué de caresses, de louanges, & de flatterie, que ledit banneret. Il suivoit fidellement le plan chéri de mes persécuteurs.] ou des gens qui portoient ce nom, entrer