Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/258

Cette page n’a pas encore été corrigée

mais sitôt que je pus trouver un moment je lui marquai mon inquiétude. Ah ! me dit-elle en soupirant, je crains bien que vos folies ne me coûtent le repos de mes jours. St. L[...]t est instruit & mal instruit. Il me rend justice ; mais il a de l’humeur, dont, qui pis est, il me cache une partie. Heureusement je ne lui ai rien tu de nos liaisons, qui se sont faites sous ses auspices. Mes lettres étoient pleines de vous, ainsi que mon cœur : je ne lui ai caché que votre amour insensé, dont j’espérois vous guérir & dont, sans m’en parler, je vais qu’il me fait un crime. On nous a desservis, on m’a fait tort, mais n’importe. Ou rompons tout à fait, ou soyez tel que vous devez être. Je ne veux plus rien avoir à cacher à mon amant.

Ce fut-là le premier moment où je fus sensible à la honte de me voir humilié par le sentiment de ma faute, devant une jeune femme dont j’éprouvois les justes reproches, & dont j’aurois dû être le Mentor. L’indignation que j’en ressentis contre moi-même eût suffi peut-être pour surmonter ma faiblesse, si la tendre compassion que m’inspiroit la victime n’eût encore amolli mon cœur. Hélas ! était-ce le moment de pouvoir l’endurcir, lorsqu’il étoit inondé par des larmes qui le pénétroient de toutes parts ? Cet attendrissement se changea bientôt en colere contre les vils délateurs, qui n’avoient vu que le mal d’un sentiment criminel, mais involontaire, sans croire, sans imaginer même la sincère honnêteté de cœur qui le rachetoit. Nous ne restâmes pas long-tems en doute sur la main dont partoit le coup.

Nous savions l’un & l’autre que Mde. D’

[Epina] y étoit en