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& toujours occupé la moitié de la journée à la copie, si l’on compte & mesure les écrits que j’ai faits dans les six ans que j’ai passés tant à l’Hermitage qu’à Montmorency, l’on trouvera, je m’assure, que si j’ai perdu mon tems durant cet intervalle, ce n’a pas été du moins dans l’oisiveté.

Des divers ouvrages que j’avois sur le chantier, celui que je méditois depuis longtemps, dont je m’occupois avec le plus de goût, auquel je voulois travailler toute ma vie & qui devoit, selon moi, mettre le sceau à ma réputation, étoit mes Institutions politiques. Il y avoit treize à quatorze ans que j’en avois conçu la premiere idée, lorsque, étant à Venise, j’avois eu quelque occasion de remarquer les défauts de ce gouvernement si vanté. Depuis lors mes vues s’étoient beaucoup étendues par l’étude historique de la morale. J’avois vu que tout tenoit radicalement à la politique & que, de quelque façon qu’on s’y prît, aucun peuple ne seroit que ce que la nature de son gouvernement le feroit être ; ainsi cette grande question du meilleur gouvernement possible me paroissoit se réduire à celle-ci : Quelle est la nature du gouvernement propre à former le peuple le plus vertueux, le plus éclairé, le plus sage, le meilleur enfin, à prendre ce mot dans son plus grand sens ? J’avois cru voir que cette question tenoit de bien près à cette autre-ci, si même elle en étoit différente : Quel est le gouvernement qui, par sa nature, se tient toujours le plus près de la loi ? de-là, qu’est-ce que la loi ? & une chaîne de questions de cette importance. Je voyois que tout cela me menoit à de grandes vérités, utiles au bonheur du genre humain, mais sur-tout à celui de ma