Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/140

Cette page n’a pas encore été corrigée

un anachronisme que je crus ne pouvoir venir que du révérend. Cette pièce, qui, je ne sais pourquoi, a foit moins de bruit que mes autres écrits, est jusqu’à présent un ouvrage unique dans son espèce. J’y saisis l’occasion qui m’étoit offerte d’apprendre au public comment un particulier pouvoit défendre la cause de la vérité contre un souverain même. Il est difficile de prendre en même tems un ton plus fier & plus respectueux que celui que je pris pour lui répondre. J’avois le bonheur d’avoir affaire à un adversaire pour lequel mon cœur plein d’estime pouvoit, sans adulation, la lui témoigner ; c’est ce que je fis avec assez de succès, mais toujours avec dignité. Mes amis, effrayés pour moi, croyoient déjà me voir à la Bastille. Je n’eus pas cette crainte un seul moment & j’eus raison. Ce bon prince, après avoir vu ma réponse, dit : J’ai mon compte, je ne m’y frotte plus. Depuis lors, je reçus de lui diverses marques d’estime & de bienveillance, dont j’aurai quelques-unes à citer & mon écrit courut tranquillement la France & l’Europe, sans que personne y trouvât rien à blâmer.

J’eus peu de tems après un autre adversaire auquel je ne m’étois pas attendu : ce même M. Bordes, de Lyon, qui dix ans auparavant m’avoit foit beaucoup d’amitiés & rendu plusieurs services. Je ne l’avois pas oublié, mais je l’avois négligé par paresse ; & je ne lui avois pas envoyé mes écrits, faute d’occasion toute trouvée pour les lui faire passer. J’avois donc tort ; & il m’attaqua, honnêtement toutefois & je répondis de même. Il répliqua sur un ton plus décidé. Cela donna lieu à ma dernière réponse, après laquelle il ne