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vouloir se donner un autre successeur, ne m’instruisît pas de bonne foi, j’acquis lentement & mal les connoissances dont j’avois besoin & tout cet ordre de comptes embrouillés à dessein ne put jamais bien m’entrer dans la tête. Cependant, sans avoir saisi le fin du métier, je ne laissai pas d’en prendre la marche courante assez pour pouvoir l’exercer rondement. J’en commençai même les fonctions. Je tenois les registres & la caisse ; je donnois & recevois de l’argent, des récépissés ; & quoique j’eusse aussi peu de goût que de talent pour ce métier, la maturité des ans commençant à me rendre sage, j’étois déterminé à vaincre ma répugnance pour me livrer tout entier à mon emploi. Malheureusement, comme je commençois à me mettre en train, M. de F

[ranceui] l fit un petit voyage, durant lequel je restai chargé de sa caisse, où il n’y avoit cependant pour lors que vingt-cinq à trente mille francs. Les soucis, l’inquiétude d’esprit que me donna ce dépôt me firent sentir que je n’étois point foit pour être caissier ; & je ne doute point que le mauvais sang que je fis durant cette absence, n’ait contribué à la maladie où je tombai après son retour.

J’ai dit dans ma premier partie que j’étois né mourant. Un vice de conformation dans la vessie me fit éprouver durant mes premières années, une rétention d’urine presque continuelle ; & ma tante Suzon, qui prit soin de moi, eut des peines incroyables à me conserver. Elle en vint à bout cependant ma robuste constitution prit enfin le dessus & ma santé s’affermit tellement durant ma jeunesse, qu’excepté la maladie de langueur dont j’ai raconté l’histoire & de fréquentes