Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

pauvre petite, qui ne savoit si elle devoit rire ou pleurer. G[...]a toujours affirmé qu’il ne l’avoit pas touchée : c’étoit donc pour s’amuser à nous impatienter qu’il resta si long-tems avec elle ; & s’il s’en abstint, il est peu probable que ce fût par scrupule, puisque, avant d’entrer chez le Comte de F

[rièse] il logeoit chez des filles au même quartier St. Roch.

Je sortis de la rue des Moineaux, où logeoit cette fille, aussi honteux que St. Preux sortit de la maison où on l’avoit enivré & je me rappelai bien mon histoire en écrivant la sienne. Thérèse s’apperçut à quelque signe & sur-tout à mon air confus, que j’avois quelque reproche à me faire ; j’en allégeai le poids par ma franche & prompte confession. Je fis bien ; car dès le lendemain, G[...]vint en triomphe lui raconter mon forfoit en l’aggravant & depuis lors il n’a jamais manqué de lui en rappeller malignement le souvenir : en cela d’autant plus coupable que, l’ayant mis librement & volontairement dans ma confidence, j’avois droit d’attendre de lui qu’il ne m’en feroit pas repentir. Jamais je ne sentis mieux qu’en cette occasion la bonté de cœur de ma Thérèse ; car elle fut plus choquée du procédé de G[...]qu’offensée de mon infidélité & je n’essuyai de sa part que des reproches touchans & tendres dans lesquels je n’apperçus jamais la moindre trace de dépit.

La simplicité d’esprit de cette excellente fille égaloit sa bonté de cœur, c’est tout dire ; mais un exemple qui se présente mérite pourtant d’être ajouté. Je lui avois dit que Klupffell étoit ministre & chapelain du prince de Saxe-Gotha.