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fut très-corrompue & ne fut jamais savante : on en peut dire autant des anciens Perses & de la plupart des grands Empires de l’Asie ancienne & moderne Sparte elle-même, quoique toujours fidelle à son inimitié pour les sciences & les arts, perdit ses vertus aussi-tôt qu’elle fut -maîtresse de la Grecque : partout la prospérité séduit & corrompt, elle détruit ce qui l’a fait naître, & finit par être sa propre ennemie.

Je trouve dans l’histoire que tous les peuples ignorans, sans en excepter un seul, on été corrompus dans leur puissance & dans leurs richesses : deux peuples savants l’ont été dans les mêmes circonstances : à des effets tout semblables dois-je chercher des causes différentes ? & comment oserois-je imputer aux sciences, dans deux cas particuliers, les mêmes, vices que je vois par-tout ailleurs où elles n’existoient point ?

La proposition que tous les peuples savants ont été corrompus, ne peut donc former aucun préjugé contre les sciences, puisqu’ils ne l’ont été que dans les mêmes circonstances qui ont corrompu toutes les nations ignorantes.

Pour achever d’éclaircir cette question, il est à propos d’examiner ce que c’est que vertu & corruption, deux mots très-anciens très-imposans, souvent prononcés, rarement entendus.

La vertu dans son acception la plus élevée, seroit une force de l’ame qui dirigeroit toutes nos actions au plus grand bien genre-humain. Les différens degrés du bonheur total des hommes dépendent des différens degrés de leur union : leur union dépend uniquement de leurs vertus ; ils ne sont séparés & armés que par leurs vices : la plus parfaite combinaison de