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tout autre, qui auroit eu autant de lumieres, & d’impartialité que lui : il connoissoit bien la trempe des armes qu’il employoit pour combattre les préjugés & les vices, fléaux de la nature & de la société : il goûtoit le premier, & mieux qu’aucun de ses lecteurs, les charmes inexprimables qu’il répandoit sur ses ouvrages ; l’accord de ce qu’il disoit & de ce qu’il sentoit, lui garantissoit leur succès. Quelquefois sa fierté s’indignoit des odieuses interprétations de ses adversaires ; mais sa bonté, qualité que personne n’a jamais portée plus loin que

lui l’amenoit bientôt les plaindre : non, avec cette compassion insultante à l’usage de la médiocrité ; mais avec cette tendre commisération, que l’ami de la vérité devoir avoir pour tous ceux qui s’éloignoient d’elle. Il jouissoit, sans doute, du sentiment de sa propre valeur ; mais il n’en tiroit pas le droit de dédaigner les gens d’un mérite ordinaire, & pourvu qu’on ne fût ni fourbe ni méchant, on étoit, à son avis, tout qu’il est nécessaire d’être.

Souffrez, Monsieur, que je me permette encore une observation sur la lettre de M. Olivier de Corancez. Je sais blessée d’y voir les noms de Voltaire & de Rousseau, ornés des mêmes épithetes, & placés à côté l’un de l’autre. Je crois que le premier doit retentir dans les académies & le foyer de la comédie françoise ; & le second, par-tout où sont encore en honneur, l’amour de la vérité, la rectitude des principes, l’austérité de la morale, la pureté des mœurs, & la saine philosophie. Il y a long-tems qu’on l’a dit : on est de la religion de ce qu’on aime. Je suis trop l’amie de Rousseau pour être l’ennemie de Voltaire : mais il me semble que le plus bel