Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/384

Cette page n’a pas encore été corrigée

juger à sa maniere : le corbeau ne sauroit croasser aussi mélodieusement que le rossignol chante.

Venons à M. Olivier de Corancez, personne ne demandera pourquoi on s’occupe de lui : je trouve ses intentions louables ; son style naturel ; le rôle dont il s’est chargé, fait bien présumer de son cœur, & la façon dont il le remplit fait l’éloge de son esprit. Avec tout cela, sa lettre me laisse beaucoup à desirer. Loin de trouver qu’il dit à M. de la Harpe des vérités trop dures, j’aurois voulu qu’il relevât avec plus de fermeté, la révoltante légèreté avec laquelle l’auteur du Mercure donne pour vraies, des anecdotes qui ne peuvent pas l’être, & qui, le fussent-elles, seroient absurdement placées à la suite de cette phrase : La tombe sollicite l’indulgence, en inspirant la douleur. Quelle indulgence, grand Dieu ! quelle douleur que celles qui présentent chargé de torts & d’humiliations, aux yeux du public, un homme célebre qu’il pleure encore ! Quand ces anecdotes controuvées par malignité, & adoptées par sottise, seroient incontestables, il y auroit de la barbarie à les rapporter ; & quoique la cruauté soit l’appanage de la bassesse, on est surpris d’en trouver dans un homme qui a tant de besoin de l’humanité des autres. Eh ! quel tort plus grave peut-on imputer à un philosophe, qui a pris pour devise, vitam impendere vero, que d’avoir abandonné le prix de la vérité pour courir après celui de l’éloquence ? Que la calomnie ne se rassure pas, sur ce que la mort enchaîne les facultés de Jean-Jaques : si un homme de lettres avoit l’audace de dire, c’est moi qui ai donné à Rousseau le conseil qui lui a valu la couronne académique, mille voix s’éléveroient pour lui répondre : vous êtes