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tems de la bataille de Marathon ; il est pourtant vrai qu’elle étoit très-savante. en comparaison de la plupart des villes de la Grecque, & de ce qu’elle avoit été elle-même dans les siecles précédens ; ainsi sa vertu & sa gloire, dont on fait aujourd’hui un argument en faveur de l’ignorance, devoient au contraire paroître dans ce tems-là une forte preuve de l’utilité des sciences & des arts. Pisistrate & ses fils n’avoient rien négligé pour inspirer aux Athéniens le goût des sciences : ils leur avoient donné la connoissance des poëmes d’Homere, & avoient attiré dans leur ville Anacréon, Simonide & plusieurs philosophes ; & il faut considérer qu’Hésiode, Archiloque, Alcée, Sapho avoient déjà existé, & que les sept Sages existoient encore dans ce même tems.

Lycurgue étoit savant & philosophe : Sparte dédaigna, il est vrai, de cultiver les sciences, mais elle les connoissoit ; elle étoit trop liée avec les autres peuples de la Grecque, pour qu’on puisse la supposer dans une ignorance absolue. Rome même dans ses commencemens sentit que son ignorance ne suffisoit pas pour la gouverner : elle choisit pour second fondateur Numa recommandable uniquement par la philosophie ; elle alla ensuite chercher des loix chez le peuple le plus savant qui fût alors : elle jouit & elle profita des conseils de la science. Enfin ces trois peuples avoient plus ou moins la plupart des connoissances qui ont rapport aux mœurs ; à quel titre l’ignorance oseroit-elle revendiquer leurs vertus ?

Il est vrai que tous les degrés des sciences n’ont pas des proportions de mœurs constantes & égales ; c’est qu’elles n’ont pas toutes une égale influence sur nos actions : Solon, Aristide