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Elle devoit se justifier aux yeux de son époux.

Elle devoit avouer son malheur au Mentor d’Emile, ai-je entendu dire à une personne d’esprit : moi je dirai, elle devoit.....Ce qu’il y a de vraiment comique, c’est que nous cherchions les moyens qu’elle auroit dû prendre, comme si la plus féconde imagination qui fut jamais avoit pu en manquer. Tout ce que Sophie n’a pas fait étoit incompatible avec le plan de l’Auteur. Si elle avoit tenu une autre conduite, Emile n’auroit pas été “aux prises avec la fortune, placé dans une suite de situations effrayantes, que le mortel le plus intrépide n’envisageroit pas sans frémir ; & son maître n’auroit pas pu, comme il le vouloit, “montrer que les principes dont Emile fut nourri depuis sa naissance, pouvoient seuls l’élever au-dessus de ces situations.*

[*Voyez l’avis des Editeurs.] Il falloit pour qu’Emile fut complétement malheureux que Sophie parût coupable ; & il suffisoit pour l’honneur de son éducation, que son innocence se découvrit un jour. Si cette infortunée s’étoit justifiée aux yeux, de son époux, si elle s’étoit confiée à la prudence de son Mentor, l’une ou l’autre de ces démarches auroit rétabli le calme dans le cœur d’Emile ; & alors que devenoient les affreuses situations où J. J. Rousseau vouloit le jetter ? La plus cruelle de toutes est son erreur sur la cause de l’infidélité de Sophie ; c’est elle qui donne lieu à la suite d’Emile, & au mot sublime qui fait tressaillir toutes les meres, dans le cœur desquelles le goût des frivoles amusemens n’a pas éteint le feu sacré qu’y allume la nature : “Non jamais il ne voudra t’ôter ta mere ; viens, nous n’avons rien à faire ici.” Car il ne suffisoit pas pour qu’Emile