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disons plus, il semble même qu’il eût été digne d’un éclairé d’embrasser une pareille doctrine.

Cette these, considérée comme on vient de dire, présentoit, à ce qu’on croit, un beaucoup plus juste fondement que l’opinion qu’il adopta ; mais Rousseau, frappé des maux de la société, sans vouloir discerner que ces maux, loin d’être l’effet précis & immédiat des lumières, étoient plutôt le fruit malheureux d’une autre partie de la nature de l’homme, les passions, également indestructible en lui, haïssant par lui-même le vice bien plus que l’ignorance, séduit de cette maniere, & très-réellement par sa propre vertu, laissa tomber la balance où la pente de son ame l’entraîna. Il préféra de réduire, par son vœu, l’homme à un état où il ne pouvoit ni ne devoit exister, plutôt que de le mettre à sa véritable place, à celle de l’intelligence la plus perfectionnée, au hasard des dangers de cette situation, ne voulant pas se dire encore qu’en pareil cas l’état de l’homme pouvoit s’élever assez pour que ses passions ne restassent maîtresses que de ce que sa raison, pleinement éclairée, ne pourroit pas leur ôter de nuisible & de fâcheux.

Il faut avouer que cette question, envisagée sous toutes ses faces, méditée dans tous ses rapports, étoit de toute l’étendue de l’esprit humain. Personne, plus que Rousseau, n’avoit en soi cette prodigieuse dimension ; aussi parut-il gagner un procès que la force de son génie, si elle lui eût été opposée, eût pu seule lui faire perdre. Mais en cette matière, encore un coup, ce qui est glorieux pour un esprit de cet ordre, il se décida par sa propension naturelle. Son ame prit les fonctions