Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/27

Cette page n’a pas encore été corrigée

cruautés politiques ne commit pas Clovis le plus grand homme de sa race ? Exemple qui ne fut que trop bien suivi par sa postérité ; les freres n’eurent point de plus cruels ennemis que leurs freres ; la guerre qu’ils se faisoient étoit le moindre de leurs crimes ; leurs armes les plus ordinaires furent le poison & l’assassinat ; Frédégonde & Brunehault furent les modeles les plus accomplis de la scélératesse ; les Rois étoient dépouillés par des maires ambitieux ; les peuples pillés & déchirés flottoient dans ces malheureuses révolutions achetées par leur sang & par leurs miseres : les trônes des Goths en Espagne & des Lombards en Italie ne furent pas teints de moins de sang.

Qui pourroit aujourd’hui nous proposer ces siecles funestes pour modelés ? Qui pourroit les regretter ? Le beau tems, le tems de la vertu de chaque, peuple n’est donc pas toujours celui de son ignorance, comme nos adversaires le prétendent ; proposition absolument insoutenable à l’égard de tous les peuples modernes de l’Europe.

Je ne suivrai point notre, histoire dans tous ses détails ; des guerres barbares & interminables, sans justice dans les motifs, sans utilité dans l’objet, tous les vices de l’aristocratie dans une constitution monarchique, un éternel esprit de révolte & d’ambition, source nécessaire de la mauvaise soi, de l’injustice & de la violence, le Corps entier de la nation esclave né des passions de mille tyrans, sont les traits répétés à chaque page de nos fastes : ajoutons une dissolution dans les mœurs hardie & violente ; si elle n’éclate pas par-tout également, c’est faute de détails ; mais le philosophe voit dans ce que dit l’histoire tout ce qu’elle n’a pas dit ; les principes montrent les conséquences ;