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j’ai fait trente & trois cents demi-savans, quarts & demi-quarts de savans ; & il y a plus de quinze ans que j’ai reconnu de bonne foi que j’avois manqué mon coup & mon but. J’en pardon au public.

C’est Bayle, qui par ses journaux & son dictionnaire a prêché & favorisé la demi-science sceptique & déiste. De gros livres comme un dictionnaire, ou de petits livres souvent répétés comme les journaux imposent trop au public, & 1°. à l’Auteur qui s’en croit & en est cru plus habile, 2°. au lecteur, au simple acheteur même, tout fier d’avoir à la main toute une & plusieurs sciences articulées, numérotées & en simple A. B. C.

Il y avoit eu de tout tems avant Bayle des pyrrhoniens & des déistes. Bayle en a fondé la secte en regle, en grand & à perpétuité ; or c’est en fondant la demi-science. Mais Bayle, me dira-t-on, étoit au moins lui -même un vrai savant. J’ai ma distinction que j’ai déjà indiquée. Savant en extension, en surface, je l’accorde ; Bayle l’étoit, en intension, en profondeur, je le nie : Bayle n’étoit rien moins qu’un vrai savant.

Ces sortes d’ouvrages de gros volumes supposent donnent de la science en raison inverse, renversée ou réciproque du tems mis à les faire ou à les lire. Un faiseur de gros livres n’a le tems d’en lire que de petits, ou de petits articles des gros. On peut depuis long-tems faire un livre plus savant que soi-même. Les tables des livres sont la grande mine & la pepiniére des dictionnaires & des journaux.

Encore Bayle étoit-il un demi-savant. Il savoit douter, & par conséquent le pour & le contre de tout. M. R. ne sait que