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C’est bien M. R. qui se tire de cette grande difficulté des langues par un coup de théâtre, par le Deus in machina, lui qui vouloit que l’enfant au maillot fût l’inventeur de la parole de toutes les langues de l’univers : car chaque enfant auroit fait sa langue, sans doute, comme chaque terroir produit ses fruits, ses animaux & ses hommes par conséquent, selon Diodore & les Grecs, qui ne nous parlent que d’hommes aborigenes.

Enfin, enfin, parturient montes, les inventeurs des langues sont un troupeau ou une troupe d’hommes & de femmes déjà rassemblés en société, qui, habitant sur une langue de terre avancée dans la mer, se sont vus tout d’un coup, par un tremblement de terre ou autre événement pareil, détachés du continent où ils n’ont pu se faire entendre désormais que par des porte-voix, sans doute, ou par des lettres & des courriers, des paquebots. Et voilà les langues inventées à jamais, quoiqu’un peu tard. Mais il vaut mieux tard que jamais, dit -on.

Oui, il a fallu un coup de tonnerre, un ébranlement de la machine du monde pour apprendre à un enfant à dire maman, papa, & aux hommes à épeler ba, be, bi, bo, bu. Et voilà, dit M. R. en termes clairs, “comment des Insulaires ont porté parmi nous l’usage de la parole. Il est très-vraisemblable, ajoute-t-il, que la société & les langues ont pris naissance dans les Isles, & s’y sont perfectionnées avant que d’être communes dans le continent.” Est-ce de la physique que cela ?

Il est heureux que nos Philosophes, émules du Créateur, ne trouvant rien de vrai dans l’Ecriture sainte, trouvent de telles