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pouvez-la spiritualité en matérialisme, je tournerois au contraire le matérialisme en spiritualité.

Je conçois assez, je crois du moins très-bien la création, telle qu’elle est & que Moyse nous la donne : mais je dois vous dire, que j’ai peut-être moins de peine à concevoir la création des esprits que celle des corps. Le Créateur n’est-il pas tout esprit ? Or il n’est corps en rien. Pour créer l’homme ou le produire, il en a pris la matiere déjà toute créé dans le limon de la terre ; mais l’esprit il ne l’a pris que dans lui-même, dans son souffle ; & pour le moins corps n’ayant été qu’une formation, formavit, l’esprit a été d’une toute nouvelle & pure création, une inspiration, & inspiravit. C’est ma façon, je ne perds pas un mot de l’Ecriture sainte, pas une syllabe, pas une circonstance. Elle n’en dit point trop, mais elle en dit assez, elle a prévu mes besoins présens d’esprit avec vous.

Enfin nous sommes corps dont je rougis, & esprit dont me voilà tout fier, & fier, je le répète, vis-à-vis de vous, & de vos hommes bêtes & presque tous matiere. Or l’esprit, vous me l’avouerez tout au moins, est la plus noble partie de moi-même & de nous-mêmes ; car vous en avez, & même beaucoup, quoique vous n’en fassiez pas semblant, si ce n’est peut-être en ce que vous voudriez en avoir tout seul ou au moins plus que nous tous, savans & artistes, professeurs & académiciens.

Je veux vous dire sur tout ce que vous savez, je crois, que comme votre philosophie ramene tout au pur physique, matériel & tout au plus animal ; ma physique au contraire ramene