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Sophie.

Monsieur, ces animaux là me sont peur.

Macker.

Va, va, poulette, tu y seras bientôt aguerrie avec moi.

S C E N E VI.

Sophie.

Quel époux ! quelle différence de lui à Dorante, en qui les charmes de l’amour redoublent par les graces de ses manieres, & de ses expressions. Mais hélas ! il n’est point fait pour moi. À peine mon cœur ose-t-il s’avouer qu’il l’aime, & je dois trop me féliciter de ne lui avoir point avoué à lui-même. Encore s’il m’étoit fidele, la bonté de mon pere me laisseroit, malgré sa prévention & ses engagemens, quelque lueur d’espérance. Mais la fille de Macker partage l’amour de Dorante ; il lui dit sans doute les mêmes choses qu’à moi, peut-être est-elle la seule qu’il aime. Volages François ! que les femmes sont heureuses que vos infidélités les tiennent en garde contre vos séductions ! Si vous étiez aussi constans que vous êtes aimables, quels cœurs vous résisteroient ! Le voici ; je voudrois fuir, & je ne puis m’y résoudre : je voudrois lui paroître tranquille, & je sens que je l’aime

jusqu’à ne pouvoir cacher mon dépit.