Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/553

Cette page n’a pas encore été corrigée

votre merci. Rousseau avoit raison de dire qu’il étoit malade en écrivant cette lettre, il y a même toute apparence que c’étoit pendant la plus forte crise de sa maladie.

Que servent les amis à un homme qui aimeroit mieux à ce qu’il dit lui-même, loger dans un trou de la garenne de Wootton, que dans le plus bel appartement de Londres ? Eh que m’importeroit à moi de n’avoir point d’amis en Angleterre, quand je serois certain, comme M. Rousseau, d’en trouver ailleurs ? Voyons comme’il s’explique là-dessus. Enfin on dit que je suis sujet à changer d’amis, il ne faut pas être bien fin pour comprendre à quoi cela prépare. Distinguons, j’ai ajoute-t-il, depuis vingt-cinq & trente ans des amis très-solides : j’en ai de plus nouveaux, mais non moins sûrs, & que je garderai plus long-tems si je vis ; parce qu’apparemment les modernes sont plus jeunes que les anciens. À quoi aboutissent ces détails ? à quoi servent ces distinctions ? Eh ! qu’importe au grand homme les on dit ? il laisse dire & va toujours son train : en faisant bien, les on dit se démentent réciproquement, & notre gloire en devient plus brillante à la vue des honnêtes gens. Est -ce qu’avec des amis très-solides & de trente ans, & avec d’autres plus jeunes que l’on peut garder jusqu’au tombeau, on peut appréhender quelques fâcheux revers & risquer de mourir de faim ? Qui dit avoir des amis, quel trésor peut-on leur comparer ?

Ah ! si M. Rousseau avoit assez de bonté pour moi que de me prêter sur mon billet, seulement une demi-douzaine de ses amis solides, je me croirois au comble de mes vœux ; j’en cherche un seul de cette espece depuis quarante ans,