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d’Ecrivains de nos jours, qui s’imaginent être d’une nature plus excellente que ceux qui ne barbouillent point de papier. Notre Philosophe malade n’affecte pas de mettre les poings sur les côtés en parlant à des hommes confondus parmi le vulgaire ; cependant son antagoniste veut faire entendre que l’orgueil est son vice dominant. Est- il quelqu’un qui paroisse plus humble dans sa parure & dans ses discours familiers ? M. Hume lui prête une soif ardente pour les richesses, en disant que pour s’en désaltérer il affecte aux yeux du public une extrême pauvreté : cette médisance est démentie par le désintéressement avec lequel cet homme a abandonné la plupart de ses productions aux Libraires.

On m’opposera peut-être l’orgueil & le mépris des richesses que Diogène fit paroître vis-à- vis d’Alexandre ; mais n’a-t-on pas fait de ce cynique le portrait comme d’un sou de la premiere classe ?

Rousseau n’est point ingrat ; il pousse même la sensibilité & la reconnoissance à l’excès lorsqu’on l’a obligé, témoins ses transports & les larmes dont il arrosa le visage de M. Hume lors de leur arrivée en Angleterre ; au reste, je suis assez de son sentiment lorsqu’il dit qu’on ne peut pas marchander sur la reconnoissance comme sur une piece de drap. Il n’est point méchant, & tous les traits de méchanceté que l’on décoche sur son caractere, ne sont que les suites de la prétendue ingratitude dont on l’accuse. Si quelqu’un s’avisoit de faire la question, en demandant d’où peut provenir l’égarement de l’esprit de cet Auteur si estimable par quantité de beaux traits répandus dans ses Ouvrages ? Je répondrois qu’il faudroit remonter