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enfin il tombe dans l’enfance ; c’est ce que l’on peut dire sans l’outrager.

D’ailleurs sa probité, sa simplicité, sa pitié envers les affligés & sa sobriété ont toujours fait la base de son caractere ; je ne dis rien de trop en affirmant que tous ceux qui l’ont accusé de noirceur d’ame ou de méchanceté étoient les plus méchans des hommes. Personne n’a lieu de se plaindre de ses frauduleux ressorts, il n’en connut jamais. La soif de l’or ne l’altere pas, il semble ne respirer que pour jouir d’une parfaite indépendance : toute son ambition se borne à vouloir être lui seul son roi, son maître & son législateur. Si c’en est une, voilà sa folie ; on ne s’en apperçoit que parce que la fortune l’a privé des moyens de la cacher. Au tableau que je viens de faire, reconnoissez J. J. Rousseau ; je crois même qu’il auroit pu disposer à son gré de tous les objets qui fixoient son premier point de vue, s’il eût voulu tant-soit -peu se prêter aux généreux penchans de ceux qui se faisoient un mérite de l’accueillir & de le protéger. Combien de fois lui en ont-ils offert les moyens ? y avoir-il de la sagesse à les refuser ? C’est son orgueil s’écrient ses ennemis ; c’est sa folie leur répondent ceux qui s’y connoissent mieux. Rousseau n’en convient pas, parce que de toutes les maladies, celle-ci est la seule que les malades ne veulent pas avouer ; pourquoi ? parce qu’ils n’en ressentent pas les douleurs.

Demandez-le à M. Hume en colère contre le Genevois expatrié ; demandez-le à tel homme que ce puisse être dans l’accès d’un transport frénétique : il ne vous récitera que des rêves, des mots entrecoupés par des gémissemens, des sanglots & quelquefois des larmes.