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remarquer : la nouveauté plaît, on. y applaudit, & J. J. en ne s’éloignant plus de ce genre, étoit heureux ; mais il prend les ailes d’Icare, il veut s’élever au-dessus de sa sphere, il veut, sans appui & sans vocation, devenir législateur ; il échoue dans son projet ; cela seul capable d’ébranler même l’esprit le plus stoïque, pouvoir détraquer les ressorts de son imagination il ne s’en apperçoit pas ; il veut, malgré vent & marée, entrer au port, il y échoue en voulant s’y ancrer ; prêt à périr, il brave le destin ; & le destin qui se joue des mortels, ne lui sauve la vie que pour la lui rendre plus amere & plus douloureuse.

Malgré ses infortunes, ses productions l’introduisent pendant quelque tems parmi le beau monde ; & s’il apprend à le connoître, ce n’est que pour s’en séparer. Plus il fait des efforts pour s’en éloigner, plus le beau monde s’excite à le fêter, il est insensible à ses caresses. Il suit ; on court après ; on l’arrête, il s’échappe encore : on veut le voir, il se cache. Dès-lors sa misanthropie commence à se manifester ; mais comme tous les excès sont dangereux, elle dégénere en singularités, qui auroient dû, depuis long-tems le faire regarder comme un homme qui, de propos délibéré & de gaîté de cœur, s’éloigne du bon sens & de la raison, uniquement pour ne s’attacher qu’à des visions & à des chimeres. Cet homme ne veut plus être fait pour les hommes ; on diroit à le voir agir, que ce sont eux qui doivent être faits pour être en bute à ses boutades & à ses caprices. Ne veut-on pas se prêter à ses sentimens romanesques & à ses frayeurs ridicules, on devient tout-à-coup son plus grand ennemi ? Il crie à la trahison, à la perfidie ; il pleure, gémit,