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ses talens & son mérite personnel lui ont mérité en Angleterre, en France & même ailleurs, des applaudissemens & l’estime des honnêtes gens. C’est un homme du monde qui aime la bonne société, qui la recherche, qui en est recherché ; & qui, ne voulant pas se singulariser, se prête aux mœurs & aux usages du siecle, peut-être, avec trop de complaisance. Je connois mieux les ouvrages du misanthrope Genevois qui m’ont -quelquefois émerveillé, & quelquefois fait penser qu’il se trompoit dans ses spéculations. Peut-être avois-je tort ; mais, dit Boileau, un Clerc pour quinze sols peut siffler Attila ; je m’attends bien de l’être, peut -être à meilleur marché. Si M. Hume a un peu dérogé au titre d’homme de Lettres dans la conduite qu’il a tenue dans cette affaire, J. J. Rousseau n’y a surement pas recueilli des lauriers bien flatteurs ; mais pour ce qui concerne la probité, l’on peut, sans outrer son éloge, avouer qu’il ne s’en est jamais écarté. Pour bien juger ou définir le fond de son caractere, & remonter à la source d’où sont partis ses égaremens, il faudroit commencer à le considérer dans son premier état, le voir dans sa plus tendre jeunesse une lime à la main, & revêtu du tablier de garçon horloger ; ne quitter cette profession que pour être exposé à beaucoup de revers & d’infortunes, sur-tout après son changement de religion. Le suivre dans ses voyages en Italie & ailleurs, faufilé parmi gens de tous états & de toutes conditions, depuis le bonnet ducal jusqu’à la houlette ; c’est pourquoi je me persuade que les replis du cœur humain peuvent lui être mieux connus que s’il eût toujours vécu dans le sein de l’opulence. Les talens & les connoissances qu’il a acquis