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tourneroit de votre côté, en disant que cette fievre seroit un motif suffisant pour déterminer sa conduite ? Sachez que vous & moi connoissons moins ce qui roule sur nos têtes que ce qui se trouve sous nos pieds. Des revers inopinés ; des renversemens de fortune ; des injustices atroces ; des frayeurs émanées d’un tremblement de terre ; les flammes d’un incendie ; des conspirations contre nos jours ou notre bonheur, & mille autres accidens auxquels nous sommes tous exposés, ont troublé quantité d’hommes doués des plus grands talens. Ayons donc pour les malades de cette espece, la même indulgence que nous souhaiterions que l’on eût pour nous si nous étions de ce nombre.

N’avez-vous jamais ouï raconter des propos de ce fou qui se disoit le Pere éternel ? Si quelqu’un se fût avisé de l’accuser sérieusement devant le juge d’être le plus impie des blasphémateurs, je suis très-persuadé que l’accusateur eût été condamné d’aller loger sous le même toît. Peut-on supposer de l’orgueil & de l’ingratitude à quelqu’un qui seroit à l’agonie ? est-on dans cet état capable de sentir l’influence que les passions peuvent avoir sur notre ame ? or, peut -on douter que la folie ne soit l’agonie de l’esprit humain ?

Les amis de M. Hume qui ont caractérisé le pauvre Rousseau, veulent que l’absurdité de ce qu’il avance dans ses lettres à M. Hume, n’est pas une preuve de mauvaise foi. Ils ont raison ; mais ils l’eussent mieux défini en disant que c’en étoit une très-visible de l’affoiblissement de son esprit. Fixons le tableau qu’ils sont de cet homme-là. Le voici : il se regarde, disent-ils, comme le seul être important de l’univers, & croit