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sa reconnoissance par une conduite uniforme & par des sentimens raisonnables ; il ne se laisse point effrayer par un mot inconséquent, ou par de longs regards qui ne sont que l’effet d’une distraction ou d’une profonde réflexion ; enfin il se prête humainement aux foiblesses d’un ami, parce qu’il est convaincu qu’il n’eût pas sans défauts.

Si un homme prend le contre-pied de cette conduite, on peut aisément conclure & dire que la machine est détraquée, parce que les ressorts en sont usés. On a des yeux & des oreilles ; on voit, on écoute, on examine, on réfléchit & l’on agit en conséquence. D’où l’on peut conclure qu’il étoit facile à M. Hume de s’appercevoir dès les premiers jours après qu’il eût connu personnellement l’Auteur d’Héloïse, que cet Ecrivain étoit fort malade ; j’avoue que les intervalles de santé qu’il avoit de tems à autres, pouvoient embarrasser le docteur Anglois ; mais comme ces intervalles n’étoient pas de longue durée, il ne falloit que réfléchir pour être à même de ne pas irriter le mal par des procédés qui n’en apportent pas le remede.

Les caprices & les singularités de J. J. & auxquelles on s’étoit déjà prêté charitablement à Paris, étoient surement les premiers symptômes de cette maladie, laquelle, au lieu de se guérir, n’a fait que s’accroître pendant son voyage en Angleterre. En falloit-il plus pour s’en appercevoir, que ces transports enthousiastes avec lesquels ce Genevois s’écrie, non, David Hume n’est pas un traître ! Il faudroit n’avoir jamais vu d’esprits aliénés pour en juger autrement.

Convenez, bon J. J., que c’étoit une folie des plus visibles