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bruit, comprendront que loin que ce soit lui qui ait pu rechercher cette affaire, elle étoit ce qui pouvoit lui arriver de plus terrible. Moi, je dis que les gens sensés ne jugent point sur les discours de la calomnie, qu’ils ne se livrent point à bras ouverts à des soupçons chimériques, & qu’ils attendent que les athletes ayent paru sur l’arêne, avant que de juger lequel des deux a combattu avec le plus de courage & le plus de prudence, & que ce n’est pas à celui qui a crié au meurtre avant de recevoir un coup, auquel ils applaudissent. Un verbiage en entraîne un autre ; le malade habile dans l’art des paradoxes tombe dans le délire, & prononce en soupirant amérement : oui, M. Hume, vous me tenu par tous les liens de cette vie, mais vous ne me tenu ni par ma vertu, ni par mon courage indépendant de vous & des hommes, & qui me restera tout entier malgré vous ; je suis accoutumé à leur injustice, &j’ai appris à les peu redouter.

Pourquoi les craint-il donc tant ? Si votre parti est pris, ajoute le malade, le mien ne l’est pas moins ; mais s’il eût pris son parti en homme courageux, auroit-il poussé de pareils gémissemens, puisqu’il déclare que si son corps est affoibli, que jamais son ame ne fut plus ferme. Il faut convenir ici que le malade est bien à plaindre : que d’écarts ! que d’égaremens ! Il convient de sa maladie par l’affoiblissement de son corps, sans s’appercevoir que son esprit s’en ressent furieusement ; il soutient que son ame ne fut jamais plus ferme, & par cette affirmation même il en fait voir toute la défaillance. Voyons comme il prouve cette fermeté héroïque : quelqu’opprobre, dit-il, qui m’attende & quelque malheur qui me