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compose tout un roman sur l’étroite liaison qu’il a contractée avec un confrere, je ne puis lui accorder tout le bon sens dont peut se piquer un homme raisonnable. Je lui dis tout net, plus j’apperçois d’emphase & d’affectation dans les témoignages réciproques d’amitié entre deux amis ou qui se nomment tels, moins je pense que le cœur ait part à leur correspondance, on doit toujours se défier de celui qui flatte jusqu’à l’excès. Est-il quelqu’amant, tout passionne qu’il fût, qui pourroit prodiguer à sa maîtresse des expressions plus tendres que celles dont Rousseau se sert en parlant de son ancien ami M. Hume. Quel repos, dit-il, peut-on goûter dans la vie quand le cœur est agité ! troublé de la plus cruelle incertitude, & ne sachant que penser d’un homme que je devois aimer : je cherchois à me délivrer de ce doute funeste, en rendant toute ma confiance à mon bienfaiteur, & plus bas, je le prie de m’aimer à cause du bien qu’il m’avoit fait, & quelques lignes plus bas, il se plaint que cet ami en lui écrivant, ne lui dit pas un mot sur le principal sujet de sa lettre, ni sur l’état de son cœur dont il devoit si bien voir le tourment.

Je réponds sur ce dernier article, que M. Hume s’appercevoit bien par ces phrases romanesques, que l’Ecrivain cherchoit matiere à enfanter de nouveaux soupçons, & que lui parler de l’état & du tourment de son cœur ; c’auroit été jetter de l’huile sur le feu plutôt que de l’éteindre ; mais me voici arrivé à la trente-huitieme page de la lettre que J. J. n’étoit pas en état d’écrire, parce qu’il disoit être malade. Qu’auroit-il fait de plus se portant bien ? C’est pourtant en débutant qu’il promet une explication & des indices sur la trahison dont