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votre arrivée en Angleterre, s’apperçut bientôt, à vos embrassades, à vos saisissemens, à vos larmes, à vos transports de joie & à vos emportemens, que l’excès de la reconnoissance vous avoit tourné la cervelle. Dès que parurent vos boutades & vos caprices, il se douta bien qu’il ne vous manieroit pas comme de la cire, que sa rhétorique ne seroit pas capable de vous faire écrire quand votre fantaisie ne le voudroit pas : que d’ailleurs, vous ne lui paroissiez pas assez ouvert, pour lui communiquer ni vos projets, ni vos systêmes. Il soupçonnoit que votre esprit étoit égaré ; mais il n’osoit pas lui-même s’en convaincre en en faisant l’épreuve à ses dépens. Comment se délivrer honnêtement du fardeau dont il commençoit à sentir toute la pesanteur ? Il ne pouvoir le faire, sinon qu’en sollicitant pour vous une pension. Vous y souscrivez aux conditions d’un consentement dont vous ne pouvez, dites-vous, vous passer sans manquer à votre devoir ; & quand ce consentement arrive, vous manquez à votre généreux protecteur, à votre ami, à vous-même, à un grand Roi, & à son Ministre, votre Mécene auprès de lui. Quoi ! tant de contrastes à la fois ne seroient pas la preuve de l’aliénation de l’esprit ? Oh ! parbleu mon cher Rousseau, j’en appelle à vous-même, quand l’accès de votre délire sera passé. Mais hélas ! je crains bien que votre maladie aille toujours en empirant.

Autre preuve d’aliénation d’esprit. Londres vous devient un séjour incommode : vous aimez la campagne ; on vous y conduit ; vous hésitez follement sur le choix de deux ou trois maisons, tandis que surement la premiere auroit été du goût d’un homme raisonnable. Enfin vous arrivez dans une habitation